L’artiste

Contrairement à une certaine élite, je refuse de jauger ma cote d'amour en proportion inverse au nombre d'acheteurs. J'ai un immense respect pour la belle main comme autrefois on admirait "la belle écriture". J'ai respect pour ceux qui ont pris le temps et fait l'effort de bien connaître leur passé, leurs armes, les traditions et leurs outils.
Je peins pour le plaisir des yeux. Je n'aime pas les tableaux qui existent seulement si on les explique longuement. Je n'ai aucune querelle avec ceux qui réclament l'exclusivité d'une école ou d'un style. Je n'ai pas scrupule à trouver belles des œuvres modernes ou parfois insolentes. Je respecte surtout la pluralité d'expression.
On dit des artistes qu'ils sont tolérants, qu'ils sont à l'avant-garde de la conscience humaine. Peut-on dire autant des critiques d'art et des organismes officiels qui chapeautent la diffusion publique de l'expression artistique...
...Je crois encore dans ma naïveté qu'une peinture est un objet de plaisir. J'aurais beaucoup de difficulté à accepter chaque matin en me levant de faire face à une œuvre grotesque même si elle valait des millions. Je ne peux accepter que la peinture qu'on dit moderne se cantonne dans la laideur comme cette biennale internationale qui a accepté d'exposer des excréments de chien laqués...
...Je peins pour le plaisir des yeux, les miens et ceux des autres. Je ne me tords pas les tripes. je ne cherche pas des milliers d'explications pour justifier les tableaux que je rate. Je les détruis. Je laisse ensuite mes images que je veux belles… qui le sont plus ou moins, se tenir toutes seules sur les murs de ceux qui partagent mon plaisir. Et je crois sans prétention apporter une certaine sérénité à ceux-là qui choisissent de me faire entrer chez eux.
Jean-Paul Ladouceur
extraits de L’artiste
publié originalement
dans Magazin’art
vers 1990