la télévision publique | 1952-1959

de la réalisation à la programmation

La guerre est terminée depuis cinq ans et son souvenir est presque oublié. La société européenne se remet des méfaits du conflit et consacre d'immenses efforts à la reconstruction. De notre côté de l'Atlantique, l'industrie canadienne qui a été épargnée de la destruction fonctionne à plein régime pour répondre aux besoins de nos alliés et à ceux de sa population qui connaît une croissance exceptionnelle, le fameux "baby boom". Les années 50 profitent d'une prospérité sans précédent.

Parmi les avancées technologiques mises en veilleuse à cause du conflit armé, la télévision arrive enfin au Canada. Avant que les télé-diffuseurs américains s'emparent du marché canadien, le gouvernement fédéral légifère pour créer une télévision canadienne. Pour ce nouveau défi, il doit puiser parmi les talents les plus susceptibles de maîtriser ce nouvel outil de diffusion.

Les artisans du film représentent des prospects naturels. Leurs connaissances des notions de cinéma, éclairage, studio, mise en scène, etc. sont des atouts essentiels dont les codes doivent être adaptés au nouvel environnement. C'est tout un langage visuel qu'auront à inventer les pionniers du petit écran. L'expérience professionnelle de Ladouceur à titre d'artiste, conteur, cinéaste, fait de lui un candidat naturel. Il est appelé à participer à cette grande aventure.
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Jean-Paul Ladouceur continue de collaborer à la publication du Journal François jusqu'en 1955. Sa signature est discrète, souvent dissimulée par un pseudonyme. On lui réserve les pages couvertures d'événements spéciaux.
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À chaque année, Jean-Paul Ladouceur dessine une carte de Noël qui résume la situation de sa famille en quelques clins d'oeil. La tradition sera maintenue jusqu'en 1973 où ses enfants quittent le foyer.

Au fil des ans…

1952 / 1953

  • Aurèle Séguin, directeur du secteur francophone de la société d’état en gestation, est mandaté pour former les équipes nécessaires pour la naissance de la télévision à Montréal. Parmi les nombreux candidats qui sont évalués, le nom de Jean-Paul Ladouceur est retenu pour son expérience cinématographique et sa facilité de communiquer avec les jeunes.

  • Jean-Paul et sa famille qui compte maintenant deux enfants, déménage à Montréal et loue un deuxième situé au coin des rues Jourdain et Molson.

  • Réginald Boisvert, un rédacteur du journal « François » se joint à Jean-Paul pour développer le concept d’une émission pour le jeune public. Elle s’appellera « Pépinot et Capucine ». L’un y contribue les personnages et le concept visuel, l’autre signe les textes qui donnent une voix aux personnages.

  • Jean-Paul réalise les 25 premiers épisodes. À cette époque, les émissions de télé sont diffusées en direct car les moyens d’enregistrement sont peu développés. Cette carence technique explique pourquoi il reste très peu d’archives visuelles de cette période archaïque.

  • Grâce à ses connaissances et contacts dans le domaine de l'édition, il connaît la popularité de l'émission et propose d'exploiter les produits dérivés qu'elle peut générer. Il illustre et en publie des casse-têtes, cahiers à colorier, marionnettes à partir des personnages vedettes. Il entreprend même la réalisation d’une bande dessinée mettant en vedette Pépinot en collaboration avec un éditeur européen. Radio-Canada signifiera son déplaisir et mettra fin à ces initiatives.

  • Il contribue à la réalisation de « Tic-Tac-Toc » une émission jeunesse où des équipes de compétiteurs rivalisent d’adresse pour compléter un alignement victorieux.

  • Il collabore avec André Cailloux aux premiers épisodes du « Grenier aux images » où « Grand-père Cailloux » raconte de histoires auxquelles « Frisson des collines » une marionnette malicieuse ajoute ses réflexions saugrenues.

  • Il réalise un télé-théâtre « Rue de la Friponne » dont le script complexe porte la signature de Fernand Doré. Cette émission explore avec un succès mitigé les limites de la télé en direct confrontée au montage précis du cinéma.

  • Outre le temps qu’il consacre à la réalisation, il s’implique dans d’autres sphères de la production. Dessin de concepts, maquettes de décors, fabrication de marionnettes et d’accessoires pour les besoins de tournages spéciaux. On lui reprochera de trop en faire et de ne pas respecter les zones de compétence des divers services.

  • La famille Ladouceur atteint cinq membres avec l'arrivée d'un second fils.

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Les aventures des marionnettes Pépinot et Capucine, accompagnées de leur fidèle Ours ont fait la joie des jeunes téléspectateurs. Grâce au petit écran, un monde de merveilles insoupçonnées se révélait à la jeunesse.
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Assis à sa table à dessin escamotable, Ladouceur esquisse un dessin pour le plaisir de ses enfants, Josée et François. La photo illustrait un article publié dans un magazine.

1954 / 1957

  • La petite famille déménage à Rosemont dans un logement propriété du beau père de l’artiste.

  • Il accède à la direction de la production du réseau français de Radio-Canada.

  • Il consacre une grande énergie à la formation du personnel, à l’implantation de procédures standardisées.

  • Il prépare pour son bureau une fresque illustrant la complexité de la chaine de production et l’interaction de tous les intervenants qui sont mis à contribution pour la réalisation d’une émission télévisuelle.

  • Il prépare des maquettes de studio qu’il photographie pour produire des diaporamas détaillés qu’il utilise lors des cours de formation qu’il donne.

  • Ce travail de défrichage ajouté à celui de d’autres collaborateurs constitue la base de « Television Studio Practices Manual » de la Canadian Broadcasting Corporation.

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La déportation des Acadiens, une des nombreuses illustrations à caractère historique réalisée pour des manuels scolaires publiés par les Clercs de Saint-Viateur en 1958-59.
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"Je te prie de m'acheter de l'huile". Une des nombreuses illustrations représentant Saint-François préparée à la demande des Pères Capucins avec lesquels Ladouceur a entretenu une longue collaboration dès le début des années 1940.
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De 1959 à 1962 il illustre les calendriers de la Fédération des scouts et guides catholiques. À chaque année la thématique change et le style du dessin s'y adapte.

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  • Pour étoffer sa grille horaine, Radio-Canada acquiert les droits de diffusion d'émissions produites à l'extérieur du Canada. Parmi celles-ci figurent des animations signées Disney en langue anglaise. Leur traduction est confiée à Haegerty productions que Ladouceur dépanne pour adapter les dessins au français.

  • Les années d’activité intense consacrées à façonner la réalité télévisuelle laissent peu de place à l’illustrateur. Cependant le défi d’entreprendre un manuel scolaire d’histoire le convainc de reprendre le pinceau.

  • Il consacre plusieurs mois à documenter et dessiner des scènes qui donnent vie aux deux volumes intitulés « l’Histoire de notre pays » pour les classes de huitième et neuvième années édités par les Clercs de Saint-Viateur.

  • Il prête à l’occasion son crayon aux bonnes oeuvres des Pères Capucins qui le sollicitent pour illustrer leurs publications dont la revue mensuelle « L’écho de Saint-François ».

  • Il illustre le calendrier de la Fédération des scouts catholiques du Canada et celui de la Fédération des guides catholiques du Canada.

  • Il effectue son premier voyage en Europe au service de la société Radio-Canada. Il prolonge ce séjour et documente avec sa caméra les les pays qu’il visite: La France, l’Angleterre et le Luxembourg.

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1958 / 1959

  • En décembre 58, les réalisateurs de Radio-Canada déclenchent une grève pour former un syndicat professionnel rattaché à une grande centrale syndicale. J. P. Ladouceur, qui fait partie de l’administration supérieure de la société, doit faire face avec ses confrères administrateurs à la tempête sociale qui en découle.

  • Après plusieurs semaines tendues, la grève se conclut par la victoire des réalisateurs. Pour atténuer les ressentiments des adversaires, les anciens administrateurs sont tassés et mis en disponibilité.

Une passion pour l'écrit

Pour un hyperactif, travailler de 9 à 6 ne suffit pas. C'est le cas de Ladouceur. Dès le retour à la maison, le souper avalé en vitesse, il déploie sa table à dessin et se consacre à un des nombreux contrats d'illustration qui lui sont proposés. Dessiner est un besoin pressant. Le rôle d'administrateur lui sied bien mais se retrouver dans son univers privé est primordial pour lui.

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On pourrait ajouter qu'une autre raison plus terre à terre pourrait expliquer cette pulsion… la raison économique. Bien que son emploi à la société d'état soit assez bien rémunéré pour l'époque, ses revenus d'emploi ne suffisent pas pour défrayer ses dépenses personnelles.

Pour alimenter une soif débordante de connaissances, il est abonné à plusieurs grands photo-magazines de son temps parmi lesquels figurent les parutions américaines: Life, Time, Newsweek, Post, Sports illustrated, National Geographic Art Direction. Il reçoit aussi les magazines Paris-Match et Elle venus d'Europe.

Ces sources extérieures d'information s'accompagnent des quotidiens locaux La Presse, Montreal Star et The Gazette. La fin de semaine venue, s'ajoutent les contenus des: Le petit Journal, La Patrie accompagnés de l'immense New York Times, Popular Mechanix, Popular Science, Consumer Report, Popular Photography et bien d'autres selon les occasions.

C'est sans compter les livres qu'Il achète. Il accumule méthodiquement les collections de vulgarisation publiées par Time Life, National Geographic où les textes alternent avec un contenu photographique de grande qualité. il collectionne aussi des éditions de luxe des classiques de la littérature française, les Prix Nobel de littérature, et les Best seller de la littérature mondiale.

Il dévore à un rythme effréné quantité de livres de poche grâce à sa maîtrise de la lecture rapide.

Plus tard, son intérêt grandissant pour l'aquarelle lui fait connaître American Artist, North Light, Artists of the Rockies and the Golden West dans lesquels il découvre les livres publiés par les grands aquarellistes américains.

À son décès en 1992, sa bibliothèque personnelle compte un éventail de près de 10000 livres dont une forte proportion contient une documentation visuelle qu'il peut consulter pour répondre à tous ses besoins. Puisque Internet et les outils de recherche numériques n'existaient pas, c'est grâce à cette formidable source d'information personnelle qu'il a alimenté sa créativité bouillonnante.
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